Le dernier voyage du Thétis

9782841700288 DEVOY

Recueil de sept nouvelles
Drame brutal ou poésie profonde, chaque nouvelle, accordant pleinement le monde d’expression à la matière du récit, livre instantanément au lecteur le sentiment de l’authentique.

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Prix :

3 040 XPF TTC

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Détail produit

Support Livre neuf
Auteur Jean Mariotti
Éditeur Association pour la promotion de l'œuvre de Jean Mariotti
Genre Littérature classique
Date 2000
Collection Oeuvres complètes de Jean Mariotti
EAN 13 9782841700288

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« La grande puissance d'évocation de Mariotti lui permet de revivre maintes scènes de la vie du Pacifique qu'il rend tour à tour avec leur âpreté sauvage ou leur douce finesse. À tel point qu'il peut nommer "paysage" un récit où il ne décrit aucun site, mais l'homme, le cheval, se meuvent au travers des ravins, des pâtures, des arbres, des gorges profondes avec tant d'aisance, qu'on voit se bâtir tout autour d'eux un paysage conforme et le contemple.

Et c'est là un trait particulier à l'auteur de savoir faire adhérer le monde à l'homme, au lieu de situer son héros dans le monde. Il en résulte une intensité de vie qui entraîne le lecteur au sein d'une humanité exotique où se juxtaposent les échantillons les plus opposés : des hommes ensevelis dans une solitude à peu près complète, retirés du monde des vivants et retournant vers les instincts secrets de leur nature, remodelés par l'emprise du lieu. Mais pour le lecteur c'est le lieu qui est modelé par les gestes de l'homme. On voit ainsi le Thétis en dérive, le long de la côte — sans aucune description de la mer — et à son bord le capitaine gisant massacré par les canaques se vengeant du recruteur cruel. Ailleurs ce sont des bagnards troublés, car une femme qui vivait avec eux est morte... Et ce qui est effrayant, c'est qu'elle s'éteignit simplement dans son lit, comme toutes les honnêtes femmes du monde. Dans leur milieu, cette simplicité n'existe pas. On tombe sous un coup de massue, au cours d'une ivresse. On est abandonné comme une épave. Mais dans ce lit mortuaire, il n'y a rien que de la norme et de l'ordre. Une remontée de leur enfance amène ces rudes à agir avec crainte et piété...

L'auteur sait éviter la compagnie fastidieuse de ces rudes gaillards : il évoque la dernière révolte des canaques, quand on transformait les soldats en chasseurs de tête : "Je ne m'attendrissais pas sur le sort de ces noirs car nous n'étions là que pour les tuer. Mais il y a dans l'agonie d'une race une si tragique mélancolie qu'elle émeut ceux-là même qui la provoquent, ne serait-ce que dans le court instant où le vainqueur sentant le vaincu au penchant de l'abîme jette sur lui ce regard que nous accordons à ce que le néant engloutit" (p. 46). Sensibilité qui se retrouve au travers de tous les récits : "Le soir emplissait la vallée comme la rumeur infinie d'un coquillage." "Tu rêves, mon vieux... Man Z'oreilles ! va" de ce terme péjoratif par lequel les coloniaux des océans Indien et Pacifique désignent le métropolitain et propos ici d'un ancien au nouveau débarqué qui se croit en plein mystère au lieu de voir la réalité.

C'est l'effluve humain qui affecte les fibres de Mariotti et c'est au travers d'elles qu'il laisse se deviner un monde qu'il ne détaille pas, parce qu'au contact de Poindi il a compris que le monde aussi avait une forme d'humanité. Et c'est ce qui donne tant de charme à son talent. »

Maurice Leenhardt.