Caprices du destin

Appuyé sur la lisse à tribord près du gaillard d’avant, Joe rêvait en regardant l’étrave de « L’aventure » fendre les flots en formant une moustache d’écume qui glissait de chaque côté de la coque. Il y a une semaine, elle avait doublé les îles Fidji dont Joe avait pu apercevoir les montagnes au loin. Il n’avait en fait aperçu qu’une masse sombre à laquelle étaient accrochés des nuages à l’horizon, sans en distinguer les formes.
Hier dans la matinée, le beau clipper de deux mille tonneaux avait croisé l’île d’Anatom qu’il avait laissée à tribord après l’avoir longée pendant au mois une heure. Cette fois, « L’aventure » était passée assez près pour que Joe ait cru distinguer des cocotiers parmi la végétation du littoral, qui lui avait, par endroits, paru être une étroite bande de sable blanc, et à d’autres, des rochers. Il lui avait même semblé apercevoir ça et là quelques colonnes de fumée, ce qui lui faisait imaginer la présence d’indigènes qui, d’après ce qu’il avait pu entendre, étaient encore cannibales…