En savoir plus
Le lieutenant dit : - « Allez me chercher le "nhaq" pour que je vois ce que cette face de citron veut me dire ».
Le « nhaq », c’était moi. Né de père catalan et de mère corse, je n’ai rien d’un asiatique, mais étant né à Saïgon, je parle et écris l’annamite comme les gens du pays. Ce surnom de « nhaq » m’avait été donné par mon lieutenant mais je concédais à lui seul le droit de m’appeler ainsi. (« Nhaq » est un diminutif de « Ngaque », paysan, péjorativement : ce con de paysan).
Lorsque l’estafette arriva près de nous, j’avais placé ma section en embuscade à la lisière d’une forêt de bambous. Je rassemblais tous mes gars et donnais l’ordre de repli sur le reste de la compagnie. Deux heures plus tard, je suis assis à coté du lieutenant commandant la deuxième compagnie de commandos légers. En face de lui, est assis un jeune asiatique d’environ dix-huit ans, la tête baissée, regardant le sol. Je commence par le saluer avec des mots courtois et doux, dans sa langue, et aussitôt il relève la tête, surpris, la bouche et les yeux grands ouverts, me regardant intensément pendant quelques secondes. Et tout à coup, un flot de paroles sort de sa bouche tandis qu’il se prosterne à mes pieds, comme si j’étais Bouddha en personne. Je ris de bon cœur car ma parfait maîtrise de l’annamite produit toujours cet effet sur les gens de ce très beau pays.