On dit que les grands navigateurs - à commencer par Christophe Colomb - n'ont fait que découvrir ce qu'ils avaient déjà imaginé. On dit aussi que les sociétés idéales rêvées par les Européens étaient toujours bâties dans des îles (l'Utopie de Thomas More qui paraît en 1516 se trouve sur une île de l'Atlantique). De tous ces rêves d'îles, le plus durable semble avoir été celui des Mers du Sud, puisque ces images alimentent aujourd'hui encore l'imaginaire du monde entier, et parfois même, ce qui est étonnant, l'imaginaire des Polynésiens eux-mêmes.
Il y a là une véritable mythologie, un rêve d'innocence et de paradis perdu dont les racines sont très anciennes, donc, mais qui doit beaucoup à une poignée d'hommes du XIXe siècle : missionnaires, aventuriers, écrivains, artistes. Gavan Daws explore dans ce livre ce que le rêve des îles des Mers du Sud doit à Melville, Stevenson et Gauguin mais aussi à John Williams, ce quincailler anglais, envoyé par la Société Missionnaire de Londres, qui a fondé la ville de Uturoa, dans les îles Sous-le-Vent et Walter Murray Gibson, cet escroc illuminé qui fut premier ministre du dernier roi de Hawaï en 1887.
Chacun d'eux, avant de venir dans le Pacifique, en avait rêvé et surtout s'y était rêvé : les Mers du Sud seraient le lieu où leur vie, au soleil de la liberté, prendrait de nouvelles couleurs, une nouvelle profondeur, une nouvelle signification. Ils y ont tous réalisé leur rêve, souvent d'ailleurs avec l'impression que ce rêve, jusqu'au bout, leur avait échappé. Mais ils ont tous, d'une manière ou d'une autre, contribué à faire des Mers du Sud ce lieu utopique - ce non-lieu ? - dont nos contemporains rêvent encore.
Voilà l'histoire des Mers du Sud que raconte Gavan Daws, à travers les vies de ces cinq hommes, tous rêveurs d'îles. Pour chacun d'eux, le voyage dans le Pacifique fut un voyage à la découverte de soi. Tous y trouvèrent un destin en confrontant leur rêve à la réalité.