« La Vague » d’Ingrid Astier, « LE TUBE DE L’ÉTÉ » par Rolross

Publié le : 30/07/2022 08:01:45
Catégories : Presse

« La Vague » d’Ingrid Astier, « LE TUBE DE L’ÉTÉ » par Rolross

LE TUBE DE L’ÉTÉ
« La Vague », dernière parution d’Ingrid Astier Au Vent des Îles, reste dans le domaine de prédilection de l’auteure. C’est-à-dire le milieu aquatique où elle se plaît à immerger ses personnages. Ici, elle nous plonge dans la vague polynésienne mythique de Teahupo’o. Tsunami de sentiments…
Depuis « Quai des enfers », Ingrid Astier nous a habitués à aller sur et sous l’eau. Et depuis sa découverte de la Polynésie, où se tient annuellement un incontournable salon du livre océanien, elle a succombé aux charmes des îles et à leurs immenses écrins salés. Sa rencontre avec la Vague monstrueuse, située sur la Presqu’île – Tahiti iti, ne pouvait que la fasciner tant le surf allie la surface mouvante des flots, la profondeur traîtresse du lagon en cas de chute et la visite à grande vitesse d’un tube quand tout baigne.
Rempart d’eau à la colère écumante qui ne se laisse pas facilement escalader ni dompter, la Vague pourrait être assimilée à une femme fatale qui s’amuse des hommes, les laisse jouer un temps avec elle avant de les jeter, voire de les écraser, ou de les adouber. D’ailleurs ne possède-t-elle pas des lèvres aussi changeantes qu’attirantes qui font fantasmer tous ceux voulant pénétrer en son sein. Parcourir et sortir victorieux du tube ou se faire entuber ? Telle est la question. La réponse écrite d’Ingrid Astier est lumineuse, sa narration évidemment fluide et son style rythmé sur l’action rendant accessibles les sensations du surf même à un barboteur du dimanche.

Vague à lames

En l’espace de quelques jours, l’autrice va nous faire vibrer, frémir, pleurer et rire avec ses protagonistes qui vivent à proximité de la bête, véritable Vague à lames, si difficile à maîtriser. On appréciera la sagesse zen du super Hiro, la beauté jadis malmenée de sa sœur Moea, la candeur de son fils Tuhiti, l’humour de Lascar l’ami indéfectible de la fratrie, la volonté admirable de Birdy le surfeur brisé dans sa chair, le désespoir de Reva mal dans son sexe, la dureté de Fauvero l’impitoyable trafiquant et de ses cruels sbires et, enfin, la mégalomanie criminelle de Taj, le surfeur hawaïen blanc ayant franchi le miroir maléfique du tube.
Dans un premier temps, certains caractères vous paraîtront trop archétypaux, les uns trop vertueux et les autres trop vicieux. Une attitude compréhensible pour le lecteur fasciné par les descriptions enchanteresses, par les parfums enivrants qui saisissent chaque visiteur des îles sous le vent ainsi que par leurs us et coutumes semblant ne pas avoir changé depuis l’arrivée de Cook, voire de Bligh et de son Bounty. Cependant, l’autrice ne nous cache pas le ver dans ce fruit tropical tentant. La vie moderne ayant apporté sa cohorte de salissures. Argent roi corrupteur, alcool, drogues – dont l’Ice ô combien destructrice – et leurs corollaires, intolérance face aux genres, violences faites aux femmes, délinquance juvénile, physiques délabrés par l’industrie alimentaire, perte de repères ancestraux, etc. Bref, l’enfer côtoie l’éden avec les deux faces irréconciliables d’un Janus polynésien. Tout cela est crédible car nous sommes dans un conte, hélas actuel, où les ogres jamais rassasiés ne cessent de déflorer la pureté des enfants d’un paradis gangréné, depuis l’accostage des premiers soi-disant découvreurs. L’écrivaine aurait d’ailleurs pu intituler son roman « Les contes de la Vague après la pluie » – mais sans la Lune… quoique –, en hommage au film de Kenji Mizoguchi. Heureusement, la Vague, véritable juge de paix, domine les débats et guette la monstruosité humaine afin d’en rectifier le tir. Il ne vous reste plus qu’à surfer sur les lignes de cette histoire éternelle comme le mouvement océanique.

Rolross

Produits associés

Partager ce contenu

Ajouter un commentaire

 (avec http://)