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J'estime que trente-six ans de service dans l'Arme coloniale, de deuxième classe à colonel, me donnent le droit d'en parler. J'y ai presque entièrement servi dans la troupe et non dans les états-majors. J'y ai commandé des Africains, des Vietnamiens, des Cambodgiens, des Arabes, des Toubbous, des Comoriens, des Malgaches, et aussi des Européens. J'ai aimé ces hommes de toutes les couleurs, et ils ont loyalement combattu partout à mes côtés.
Beaucoup d'Anciens de l'Arme coloniale m'ont demandé d'écrire une chronique, afin que les aventures dont j'ai été le témoin ou l'acteur au cours de ma carrière - ou que des Anciens m'ont transmises oralement - ne tombent pas dans l'oubli après ma mort. J'ai donc décidé de vous livrer un certain nombre d'histoires de l'Arme. Ce ne sont pas des récits de combats héroïques - ils ont déjà été écrits par des historiens plus qualifiés que moi -, mais des anecdotes amusantes ou tristes que les jeunes Marsouins doivent connaître pour que soit conservée la mémoire de l'Arme coloniale. Je signerai ces chroniques du nom de Guinarou, génie de Guinée qui, selon les traditions de ce pays, aurait le don de passer à travers les murs : c'est ainsi que mes tirailleurs m'avaient surnommé pour avoir, à leurs côtés, passé à travers un bon nombre de murs de balles, sans que jamais aucune ne m'atteigne.